TOUTES LES COULEURS DES TENEBRES
On connaissait le pudding, le jambon et le terrier. Il va falloir rajouter à la liste des spécialités du Yorkshire les aventures de l'inspecteur Banks, que Peter Robinson a entrepris de raconter depuis 1987.
Alan Banks est une institution. Il vit dans la petite ville imaginaire d'Eastvale, près de Leeds, il y fréquente des pubs, où il boit de la bière anglaise et du whisky écossais. Mélomane éclectique, il écoute variété, jazz ou classique. Il est divorcé, père de deux enfants, dont un est musicien, et il travaille généralement en compagnie de sa collègue Annie Cabbot, avec qui, il a une vieille affaire sentimentale en train.
Pourquoi n'a-t-on cependant jamais l'impression que Peter Robinson ressasse de vieux clichés? Peut-être en raison de sa capacité à donner vie et consistance à ses personnages dont le quotidien devient un élément aussi important que l'enquête policière elle-même et confère une véritable crédibilité à l'ensemble.
Peter Robinson bâtit des intrigues subtiles et surprenantes, mais le plus frappant reste son art de créer une atmosphère, d'évoquer ces landes qu'affectionnaient les soeurs Brontë ou ce port de Whitby où le capitaine Cook tira ses premiers bords. Cela s'explique peut-être par une forme de nostalgie puisque l'auteur a quitté son Yorkshire natal pour s'établir au Canada, où il était allé suivre les cours d'écriture de Joyce Carol Oates.
Quoi qu'il en soit, les aventures de l'inspecteur Banks demeurent une sorte de quintessence du polar anglais. Leur popularité vient sans doute du plaisir qu'il y a à retrouver d'un livre à l'autre les mêmes personnages familiers, à suivre leur évolution et à partager leurs problèmes, mais aussi à la présence si forte du décor. Quand on referme ses livres, on entend résonner en écho le cri des mouettes sur les falaises du Yorkshire, et une odeur persistante de fish and chips flotte dans la pièce. --Gérard Meudal, Le Monde