ESPACES LIBRES - T217 - LE CHANT DES PROFONDEURS
Extrait
Extrait de la préface de Sylvie Germain
«Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l'atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre au jour.»
Etty Hillesum
DÈS QUE L'ON ÉVOQUE LA VIE INTÉRIEURE, particulièrement dans sa dimension spirituelle, on recourt au terme profondeur. Ce mot, qui désigne ce qui s'étend en s'enfonçant vers le bas par rapport à une surface, à un orifice, à des bords, appartient au champ lexical de l'espace. On peut s'interroger sur la prédilection accordée à cette métaphore spatiale : que visons-nous à travers elle, que cherchons-nous à signaler lorsque nous qualifions de profond un regard, une pensée, un sentiment ? La profondeur renvoie-t-elle au corps du sujet qui regarde, pense, éprouve, comme si les yeux, le cerveau, le coeur avaient une épaisseur, une densité, un volume imaginaires d'une extensibilité indéfinie, ou à 1 !objet, estimé immense, de la contemplation, de la réflexion, du sentiment ?
Et quand il s'agit de la foi, quel lieu du corps entre alors en jeu, et avec quel «objet» est-il en relation ?
La foi ne se loge en aucun point du corps, elle est insituable, inassignable, insaisissable, comme son «objet» nommé Dieu. Mais, faut-il aussitôt rectifier, «Dieu n'est pas un objet, il n'est pas un étant, ni l'Étant suprême