LA VOIE DE LA CONTEMPLATION
Extrait
Extrait de l'introduction
Quand commence un chemin de foi ? Dans le sein maternel où, de manière préconceptuelle, nous faisons la première expérience de la relation ? Ou même, comme saint Augustin et d'autres penseurs de l'Église primitive l'ont supposé, avant la conception ? En tout cas, c'est grâce à la fonction imparfaite de la mémoire que les premières étapes de notre chemin de foi prennent forme dans les brumes des sources inconnues du moi.
J'étais assis dans une salle de classe avec mes camarades, attendant que commence le premier cours de religion du nouveau trimestre. Nous avions réussi à faire déguerpir le précédent professeur, victime, espérions-nous avec la cruauté propre à notre âge, d'une dépression nerveuse. Il nous avait montré sa faiblesse, nous l'avions exploitée sans vergogne et le cours avait fini en émeute. Forts de ce succès, nous comptions bien faire du nouvel enseignant de cette matière «molle» un souffre-douleur à l'égal du précédent. La nouvelle qu'il «n'était qu'un frère», frère John, pas encore prêtre, nous y avait d'ailleurs encouragés. Naturellement, les prêtres n'étaient pas exemptés de nos batailles pour la domination de la classe, mais avec eux, il fallait se montrer plus prudent.
Lorsque le frère John est entré dans la classe, tous les regards se sont fixés sur lui, cherchant à prendre la mesure de cet homme durant ces quelques instants cruciaux qui déterminent en grande partie l'avenir des relations. Il était souriant et cela nous surprit, car on ne voyait en lui aucune crainte ou nervosité telles que nous nous attendions à les trouver chez un nouveau professeur. Comme s'il nous connaissait déjà et que, malgré toutes nos fautes, il nous comprît et nous acceptât. Frère John était grand, ce qui est toujours utile dans les fonctions de leadership, et semblait dès le premier instant être compétent et prêt à se faire obéir. Tandis que le cours commençait, nous avons observé et admiré son attitude qui était amicale, mais détachée. Plus tard, il me révéla que le secret de l'art d'enseigner, c'est de traiter les enfants comme des adultes, pour autant qu'ils soient capables de l'accepter, sans jamais oublier qu'ils étaient des enfants. Bien des années plus tard, rencontrant d'anciens camarades de la même classe, nous avons évoqué ce moment et, curieusement, beaucoup se souvenaient de l'histoire qu'il nous raconta à propos de madame Jones et de son nouveau réfrigérateur. File visait, je pense, à illustrer le sens de l'idolâtrie. Son style de pédagogie avait pour effet de graver ses histoires pour des décennies dans l'esprit de ses élèves.
Au cours des années qui suivirent, j'ai appris à connaître Dom John, comme nous l'appelions maintenant qu'il était prêtre. À nos yeux, il était plus raffiné que les autres moines, et bien qu'il appliquât les règles, même les plus insignifiantes, il le faisait avec ironie. Nous savions qu'il désapprouvait les châtiments corporels, ce qui le plaçait du côté des révolutionnaires. Pendant les repas au réfectoire, je m'asseyais souvent à ses côtés et il nous permettait de discuter avec lui de politique et de religion. Notre petit groupe de garçons était surpris, et certains étaient même choqués, qu'il ne vît rien de mal à ce qu'un chef de gouvernement soit athée.